C’est l’atteinte du cœur et de l’aorte qui détermine la gravité du syndrome quant au pronostic vital.

Une personne qui ne présente aucune plainte ne consulte en règle générale pas un cardiologue, or l’atteinte cardiovasculaire du syndrome de Marfan évolue sans aucun symptôme pendant de longues années.

Un examen cardiaque est donc primordial dès que l’on suspecte le syndrome.

Dans les années 60, avant que l’on ne dispose d’un traitement préventif, l’espérance de vie moyenne d’un patient ne dépassait guère 40 ans.

Actuellement, avec un suivi régulier et un traitement préventif bien mené, cette espérance rejoint celle de la population générale.

L’aorte et sa valve

L’aorte est la grosse artère qui sort du cœur gauche et qui charrie le sang oxygéné.

Cette artère est puissante et solide puisqu’elle reçoit le jet de l’éjection sanguine sans cesse toute au long de notre vie.

Dans le syndrome de Marfan, vu la mauvaise qualité des tissus conjonctifs élastiques, la racine ou bulbe de l’aorte (la toute première portion juste à la sortie du cœur, sur l’aorte ascendante) se distend progressivement (dilatation) pour former un anévrysme (dilatation avec paroi de plus en plus fine). C’est à ce stade que la paroi même de l’aorte peut se fissurer : on parle de dissection de l’aorte.

Sans intervention chirurgicale urgente, cette dissection évoluera vers la rupture de l’aorte qui sera le plus souvent fatale.

La dissection et a fortiori la rupture sont éminemment douloureux. Il s’agit bien sûr d’une urgence absolue.

Comme déjà signalé, la dilatation est « silencieuse » : le patient ne présente aucun symptôme.

Un bulbe de l’aorte qui se distend progressivement finira par distendre aussi la valve aortique qui le sépare du cœur. Cette valve doit s’ouvrir pour laisser passer le sang lors de l’éjection, puis se fermer pour empêcher le sang de refluer avant l’éjection suivante. Elle est formée de 3 cuspides distinctes qui, si elles sont éloignées l’une de l’autre, ne pourront plus se fermer hermétiquement. On dit qu’il y a une fuite aortique ou insuffisance aortique lorsque le sang éjecté retourne en partie vers le ventricule gauche. Ce dernier finit par faire le double du travail et se fatiguer. On dit que le cœur « décompense » lorsqu’il n’arrive plus à assumer sa tâche. Cela arrive évidemment très tardivement, quand l’incompétence de la valve aortique est sévère et de longue durée.

Le cœur et les valves du cœur

La valve mitrale lorsqu’elle s’ouvre permet l’écoulement du sang de l’oreillette gauche (petite chambre du cœur) vers le ventricule gauche (grand chambre). Quand le ventricule se contracte pour éjecter le sang dans l’aorte, la valve mitrale se ferme alors que la valve aortique s’ouvre. Cela permet une bonne pression dans la pompe.

Dans le syndrome de Marfan, les feuillets de la valve mitrale sont souvent trop souples et les cordages qui les arriment sont distendus. On parle d’un prolapsus de la valve mitrale. Sa fermeture n’est pas parfaite et cela peut résulter en une « fuite mitrale » : un jet de sang retourne vers l’oreillette lors de la contraction du ventricule. C’est l’insuffisance mitrale.

Ce problème est fréquent dans le syndrome mais peut s’observer chez des personnes non Marfan également. Sa gravité est variable. Une fuite importante augmentera la charge de travail du cœur.

Enfin, le muscle même du cœur (myocarde) peut être atteint dans le syndrome, indépendamment des fuites valvulaires. Il se contracte de plus en plus difficilement et finit lui aussi par se dilater.

Toutes ces atteintes peuvent favoriser les troubles du rythme cardiaque, sous forme de palpitations voire de troubles plus sévères.

Le suivi cardiaque

Il est impératif et se focalise principalement sur le diamètre de la racine de l’aorte.

La mesure de ce diamètre se fait à la hauteur des sinus de Valsalva (points d’implantation des artères coronaires).

L’échographie transthoracique est l’examen indiqué pour cela.

Un scanner ou une angio-IRM seront utiles lorsque les mesures en échographies sont difficiles à faire ou pour préciser la situation avant une chirurgie. Ces deux examens permettent de visualiser l’aorte dans son entièreté.

Chez les enfants en croissance, les dimensions aortiques ainsi mesurées sont rapportées au poids et à la taille de l’enfant puis transcrites sur des nomogrammes. On appelle Z-Score les déviations standards de ces courbes, c’est à dire combien une mesure est « éloignée » de la dimension normale.

Chez l’adulte, on s’en tient le plus souvent à des chiffres absolus, bien que les adultes puissent différer grandement en poids et en taille aussi.

Une aorte est considérée comme dilatée lorsque sa mesure dépasse le Z-score +2 (+3 pour les enfants < 20 ans).

Au début du suivi, des échographies répétées permettront d’évaluer la vitesse à laquelle l’aorte se distend. Si celle-ci est stable, une échographie annuelle sera en général suffisante pour suivre la progression sauf, bien sûr, si le médecin en juge autrement.

La valve mitrale ainsi que la fonction du muscle cardiaque sont également suivies par échographie.

Le traitement

A défaut d’être curatif, le traitement dans son aspect préventif est d’importance capitale. C’est en effet la prévention qui a permis de faire passer l’espérance de vie des personnes atteintes de 40 ans en moyenne en 1972 à 70 ans actuellement.

Il combinera une hygiène de vie, une adaptation à l’effort, des médicaments et une chirurgie préventive lorsque le diamètre de l’aorte atteindra une certaine mesure.

Il est conseillé de faire du sport de manière raisonnable, sans se lancer dans un sport de compétition. Il est préférable d’éviter les sports de contact vu le risque de recevoir des coups sur le torse ou de faire des chutes violentes. Sont proscrits également les sports et autres activités qui demandent un effort isovolumétrique, avec un blocage respiratoire, comme dans l’haltérophilie par exemple (voir Marfan et sports)

Le traitement par bêta-bloquants

Il sera instauré dès que le diagnostic est formel, et ce, quel que soit l’âge, même s’il n’y a pas (encore) de dilatation de l’aorte. Il sera aussi prescrit si la dilatation est présente, même si le diagnostic n’est pas (encore) clair. L’aténolol est souvent le bêta-bloquant de choix. La dose varie selon chaque patient, afin d’obtenir un ralentissement de 20% de sa fréquence cardiaque.

Pour les personnes qui ne tolèrent pas le traitement par bêta-bloquants, il peut être remplacé par un inhibiteur des récepteurs de l’angiotensine B, le losartan, dont les effets sur la progression de la dilatation aortique ont été démontrés, sans être supérieurs à ceux des bêta-bloquants. Ce médicament n’a en outre pas le même mode d’action que l’aténolol. Chez certaines personnes il est nécessaire de combiner les 2 molécules.

Le but ultime du traitement est de ralentir la progression de l’aorte. Il sera ajusté au cas par cas en fonction de la réponse du patient. Il doit être continué à vie, même après une chirurgie de l’aorte.

Le traitement chirurgical préventif

Il consiste à remplacer la racine de l’aorte par une prothèse synthétique. Ce traitement est préconisé dès que le diamètre de l’aorte atteint une valeur dangereuse pour le patient. Actuellement, on propose l’intervention lorsque le diamètre est de 50mm mais une chirurgie sera proposée plus tôt si le patient montre une progression très rapide de la dilatation (> 0,5 cm/an), ou si dans sa famille il y a eu des cas de dissection aortique. De même, la chirurgie sera avancée si la valve aortique montre une fuite ou si une plastie de la valve mitrale s’impose.

Etant donné le risque accru de dilatation et dissection au cours d’une grossesse, toute femme qui envisage d’avoir un enfant devra d’abord se faire opérer si le diamètre approche les 45mm. En dessous de 40 mm, la grossesse est autorisée sous haute surveillance (voir Marfan et Grossesse)

La chirurgie proposée est le plus souvent « valve sparing » (technique de TYRONE DAVID) : c’est le remplacement de la racine de l’aorte par une prothèse en DACRON®  tout en laissant la valve aortique native en place.

On ne remplacera la valve que si elle ne peut plus assurer sa fonction correctement (technique de BENTALL). L’implantation d’une valve synthétique impose la prise à vie d’un traitement anticoagulant.

Toute chirurgie doit se faire dans un centre spécialisé en chirurgie aortique.

Une technique opératoire plus récente consiste à entourer la base de l’aorte par un manchon en tissu synthétique produit « sur mesure » en guise de soutien, sans sectionner l’aorte native. Cette technique appelée PEARS (personalised external aortic root support) est possible grâce au progrès de l’imagerie médicale en 3D. Elle a l’avantage de ne pas nécessiter la mise sous circulation extracorporelle.

La valve mitrale, lorsqu’elle ne remplit plus bien sa fonction (insuffisance mitrale) nécessitera dans certains cas également une chirurgie (valvuloplastie mitrale). Cette réparation de valve se fait parfois en même temps que la chirurgie sur l’aorte.